« Il existe à Rognac un chemin particulier, un chemin que l’on peut qualifier d’historique tellement son origine se perd dans la nuit des temps, c’est le chemin des Passadouires. Nom d’origine provençale signifiant passerelles ou passages, son tracé croise plusieurs Vallats (ruisseaux) qui se jettent dans l’étang de Vaine.
Ce chemin, qui traverse le marais du quartier de la Tête-Noire à Rognac, était déjà signalé dans des documents d’archives remontant au Moyen-âge concernant la liaison entre Rognac et Berre. On peut supposer que son origine remonte au premier siècle avant JC, à la tribu Celto-ligure implantée à Rognac, et qu’il a servi de voie de communication durant l’occupation romaine. Au Moyen-âge, il sera là encore le seul lien entre rognacais et berratins. À cette époque, la ville de Berre bénéficiait du privilège d’organiser des foires et les éleveurs de moutons rognacais ainsi que toutes sortes de marchands empruntaient ce chemin pour s’y rendre. À l’inverse, les berratins passaient par là pour commercer avec la cité phocéenne, non s’en s’être acquittés d’un droit de passage sur un point de péage mis en place au nord du quartier de la Tête-Noire. Il en sera de même pour les transports de sel provenant du grenier de la Gabelle qui se trouvait dans l’actuel quartier éponyme entre Berre et Rognac. Ces mouvements commerciaux seront bénéfiques aux auberges du quartier de la Tête-Noire qui verront s’arrêter charrettes et convois de mules chargées de marchandises. L’administration notariale empruntera aussi ce chemin pour la signature d’actes de vente, de successions, de testaments, de contrats de mariage, ou pour rendre la petite justice car les notaires faisaient aussi office de juges de paix. À cette époque, c’était le notaire qui se déplaçait pour rencontrer les administrés et non l’inverse. Le chemin des Passadouires sera encore utilisé jusqu’à la Seconde Guerre mondiale avant de tomber dans l’oubli, envahi par la végétation.
Lorsque l’association rognacaise Nostà Mar a eu pour projet la création d’un sentier pédagogique dans le marais de la Tête-Noire, l’idée de remettre en état ce chemin oublié des hommes prendra forme. Après des semaines de recherches, l’emplacement du sentier sera identifié et en 2016, avec l’autorisation du Conservatoire du littoral propriétaire du terrain, il sera dégagé par des bénévoles de l’association sur la moitié de sa largeur. A son origine, il était large de presque six mètres. Si, au passage du premier Vallat il y avait une structure permettant de le traverser, ce n’était pas le cas pour les deux autres. Un petit pont sera construit, toujours par des membres de l’association Nostà Mar, sur le Vallat suivant, celui qui descend des réservoirs des Barjaquets. Le chemin des Passadouires sera inauguré la même année lors de la fête de la nature. En 2017, lors des Journées Européennes du Patrimoine (JEP), un panneau explicatif réalisé par des élèves du collège commandant Cousteau de Rognac sera posé à l’entrée de ce même pont. Le dernier obstacle à franchir, et non des moindres, sera de construire un pont sur le dernier et le plus large cours d’eau, le Vallat neuf. Avec le concours de la société Lyondellbasell pour la pose de deux poutrelles métalliques, des membres de Nostà Mar seront encore à la tâche. Le pont a été terminé en février de cette année à l’endroit même où, jadis, existait un pont en pierre. Ainsi, l’ancestrale liaison du marais de la Tête-Noire entre Berre et Rognac s’est rétablie pour le plus grand plaisir des adeptes de balades à caractère pédagogique. »
Patrick Bernard, référent Histoire de l’association Nostà Mar